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Résumé
Contexte Les espaces numériques, et en particulier les sites de réseaux sociaux, sont de plus en plus présents et influents dans le fonctionnement de nos démocraties. Dans cet article, nous proposons une méthodologie intégrée pour la collecte de données, la reconstruction, l’analyse et la visualisation du développement du paysage politique d’un pays à partir des données de Twitter.
Methode La méthode proposée repose uniquement sur les interactions entre les comptes Twitter et est indépendante des caractéristiques des contenus partagés tels que la langue des tweets. Nous validons notre méthodologie sur une étude de cas portant sur l’élection présidentielle française de 2017 (60 millions d’échanges Twitter entre plus de 2,4 millions d’utilisateurs) via deux méthodes indépendantes : la comparaison entre notre catégorisation politique automatisée et une catégorisation humaine basée sur l’évaluation d’un échantillon de 5000 descriptions de profils ; et la correspondance entre les reconfigurations détectées dans le paysage politique reconstruit et les événements politiques clés rapportés dans les médias. Cette dernière validation démontre la capacité de notre approche à refléter avec précision les reconfigurations de la scène politique d’un pays à partir des données des réseaux sociaux.
Résultats Nous nous sommes appuyés sur cette reconstruction pour donner un aperçu des dynamiques d’opinion et de la reconfiguration des communautés politiques qui sont en jeu lors d’une élection présidentielle. Tout d’abord, nous proposons une description et une analyse quantitative de l’engagement politique des membres des communautés politiques. Ensuite, nous analysons l’impact des communautés politiques sur la diffusion de l’information et en particulier sur leur rôle dans le phénomène des fausses nouvelles. Nous mesurons un effet différentiel de chambre d’écho (echo chamber) sur les différents types de nouvelles politiques (fausses nouvelles, démentis, nouvelles standards) causées par la structure communautaire. Nous soulignons l’importance de prendre en compte les méso-structures des réseaux politiques pour comprendre les phénomènes de type “fausses nouvelles” (fake news).
Conclusions En donnant accès à un niveau intermédiaire, entre les enquêtes sociologiques de terrain et les grandes études statistiques (telles que celles menées par des organisations nationales ou internationales), nous démontrons que les données des réseaux sociaux permettent de qualifier et de quantifier l’activité des communautés politiques dans un environnement politique multipolaire, ainsi que leur évolution et reconfiguration temporelle, leur structure, leurs stratégies d’alliance et leurs particularités sémantiques au cours d’une campagne présidentielle à travers l’analyse de leurs traces numériques. Nous concluons ce document par un commentaire sur les implications politiques et éthiques de l’utilisation des données des réseaux sociaux en politique. Nous insistons sur l’importance de développer des macroscopes sociaux qui permettront aux citoyens de mieux comprendre la manière dont collectivement ils font société. Nous proposons comme exemple le \textit{Politoscope}, un macroscope qui restitue certains de nos résultats d’une manière interactive.