EFE : Interview de David Chavalarias (CNRS)
Ce billet relate les réponses à une interview effectuée pour le compte d’agence de presse EFE. Les articles associés sont parus entre autres dans El Diario et La Vanguardia.
EFE – Comment s’organisent les communautés politiques sur Twitter ? Quelles sont les plus actives ?
Nous avons adopté une définition technique de la notion de “communauté politique” via l’analyse de la reproduction de message à l’identique entre comptes Twitter. La communauté d’un candidat sur Twitter est pour nous un ensemble de comptes qui relaient de manière privilégiée les messages d’un candidat ou de son parti. Suivant cette définition, la communauté autour de François Fillon était la plus importante début avril, mais les communautés de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, bien qu’étant de taille légèrement moindre, étaient de loin les plus actives.
Les communautés politiques ont des comportements très différents d’un candidat à l’autre, certaines étant beaucoup plus prosélytes et hostiles envers les autres candidats que les autres. Comme ce sont des relais d’information, l’objectif est souvent de faire passer des messages positifs sur leur candidat et négatifs sur leurs concurrents, l’une des mesure du succès étant le relais dans les médias traditionnels de ces messages. Nous avons pu observer que les communautés se sont plusieurs fois reconfigurées en fonctions des événements politiques (ex. primaires).
Nous ne qualifions pas le caractère vrai ou faux d’une information de manière systématique. Par contre, nous avons des outils pour étudier la propagation de fausses informations particulières, outils dont nous publions régulièrement les analyses et que nous mettons à disposition de journalistes. Les “fake news” sont diffusées au cours de campagnes de désinformation brèves mais très virulentes conduites par des communautés spécifiques. Elles connaissent des échos et des relais dans les autres communautés et peuvent être réactivées plusieurs semaines voire plusieurs mois après leur première apparition.Par exemple, la campagne “Ali Juppé” mélangeait désinformation et dénigrement. Elle a contribué à l’élimination d’Alain Juppé, favori des sondages lors des primaires de la droite. Cette campagne a été lancée par l’extrême droite et reprise dans une certaine mesure par les communautés Sarkozy et Fillon. Elle a été réactivée quelques jours par la communauté Fillon juste après le Penelope Gate qui a déstabilisé leur candidat, et par les communautés de Marine Le Pen et de François Fillon entre le 1 et le 6 mars 2017, période où une partie de la droite faisait pression pour mettre en œuvre un plan B et faire revenir Alain Juppé sur le devant de la scène.
Il est très hasardeux de poser des affirmations concernant la causalité d’un phénomène sur un autre en politique. On peut néanmoins dire que l’action de certaines communautés sur les réseaux sociaux a contribué à la fois à dénigrer Hilary Clinton, à propager de fausses nouvelles et à jeter le discrédit sur le “système” et les médias, rendant plus difficile le combat contre ces “fake news”. Dans ce cas, les réseaux sociaux ont à la fois propagé le “virus” et neutralisé le “vaccin”. Nous observons la même tendance dans la campagne présidentielle française. La recrudescence de l’appellation “merdias”, propagée par les communautés Fillon et Le Pen depuis le début de leurs démêlés avec la justice (février), en est un symptôme.