Aura-t-on des Leaks cette année ?

La campagne MacronLeaks, qui s’était déclenchée une minute avant le début de la période de réserve lors de la présidentielle de 2017 est un exemple parfait de manipulation d’opinion lors d’élections présidentielle, fruit d’une coordination mondialisée entre plusieurs catégories d’acteurs : l’extrême-droite française, l’alt-right américaine et les services du Kremlin.

Le 5 mai 2017 à 19h59, un lien vers un dossier supposé contenir des courriels compromettants de l’équipe d’En Marche est posté sur Internet. Il est immédiatement relayé sur 4chan par l’Américain William Craddick, connu pour sa contribution à la théorie complotiste du Pizzagate2 qui a visé le parti démocrate pendant la campagne présidentielle américaine de 2016. Puis Jack Posobiec, autre figure de l’alt-right, poste sur Twitter un lien vers 4chan avec, pour la première fois, le hashtag #MacronLeaks.

Le premier tweet mentionnant les MacronLeaks était émis par un membre de l’alt-right américaine.

En quelques heures, l’affaire est évoquée près d’un demi-million de fois, et les rumeurs les plus folles circulent sur les révélations que ces fuites sont censées contenir, sans possibilité de vérification dans un laps de temps si court. Là encore, l’alt-right était à la manœuvre, ainsi qu’environ 18 000 bots (des robots virtuels créés pour exécuter des tâches informatiques simples) qui ont amplifié la diffusion des messages par des retweets automatiques.

Cartographie des macronleaks

Le Politoscope a capté une grande partie de l’activité autour des  MacronLeaks. La vidéo ci-dessus reconstitue les échanges entre extrême-droite française et alt-right américaine qui avaient pour but de propager toutes sortes de rumeurs à propos de ces fuites de documents. La différence d’origine géographique entre chacun des principaux groupes de comptes faisant cette promotion est reflétée par la temporalité de la mobilisation qui décroît la nuit, et donc de manière décalée en raison de fuseaux horaires différents. Le tout s’est produit en seulement 48h !

Caramba, Encore raté !

L’opération MacronLeaks fut un fiasco notamment en raison d’un mauvais timing, d’un contre-feux efficace des équipes d’En Marche et de traces de modifications des fichiers des MacronLeaks en cyrillique qui ont semé le doute sur l’authenticité des fichiers.

Elle illustre cependant parfaitement le genre de synergies qu’il peut y avoir, au sein de l’espace numérique mondialisé, entre des acteurs ayant des d’intérêt communs (l’alt-right autant que le régime de Poutine ont intérêt à affaiblir les démocraties européennes). Il faut partir de l’hypothèse qu’en cinq ans, ils auront appris de leurs erreurs et que leur pouvoir de nuisance s’est accru. La vigilance doit donc être de mise pour le deuxième tour de 2022.

Pour une analyse plus poussée, voir Toxic Data – Comment les réseaux manipulent nos opinion, David Chavalarias, Flammarion.

1 Les détails de cette campagne ainsi que ses préliminaires ont été très bien analysés dans un rapport de l’IRSEM de Jeangène Vilmer, J.-B., The “Macron Leaks” Operation: A Post-Mortem, 2019.

2 Le Pizzagate est une théorie conspirationniste, développée par l’alt-right américaine sur la base de courriels privés divulgués par WikiLeaks. Cette théorie prétendait que l’ancien directeur de campagne d’Hirlary Clinton coordonnait un réseau pédophile depuis le sous-sol d’une pizzeria. Le 4 décembre 2016, l’un des partisans de cette théorie a même été jusqu’à traverser les États-Unis pour se rendre sur place muni d’un fusil d’assaut AR-15 afin sauver des « enfants esclaves sexuels » qui seraient trouvés dans l’établissement. Il évidemment n’a trouvé « aucune preuve » et il s’est rendu à la police sans résister.