#SaccageParis : Votre perception de la propreté dépend-elle de vos opinions politiques ?
SaccageParis : un exemple typique d’utilisation des réseaux sociaux pour modifier la perception des citoyens.
La campagne #SaccageParis a été activée en continue sur Twitter depuis le mois d’Avril 2021. Consistant à donner (ou amplifier) la perception d’une ville salle et mal gérée, elle visait la gestion d’Anne Hidalgo en tant que Maire de Paris mais aussi en tant que candidate à la présidentielle, comme en témoigne le tweet ci-après, allant jusqu’à “chambouler la politique parisienne” (cf. Le Parisien).
Dans quelle mesure ce mouvement a-t-il été massif sur Twitter ? Dans quelle mesure était-il représentatif des parisiens ?
On pourrait penser que si la question de la propreté de Paris était perçue comme systémique par une grande partie des parisiens, elle serait partagée de manière relativement uniforme dans la population indépendamment des opinions politiques et que, a minima, l’ensemble des opposants politiques de la Maire de Paris exprimeraient leur mécontentement avec une vigueur comparable.
Ce n’est pas ce que l’on observe, comme on peut le voir sur le film ci-après, ce qui pointe vers l’existence de campagnes d’influence en ligne, probablement coordonnées, dont les buts étaient principalement d’ordre politiques avant d’être d’ordre hygiéniques (voir Toxic Data p. 53, “Twitter comme champ de bataille”). Les graphiques ci-dessous sont également disponibles en version interactive.
De rien @Anne_Hidalgo 🤡
Ça nous a bien amusé de déglinguer votre campagne pour vous faire payer le saccage de Paris.
A très bientôt, on vous attend de pied ferme pour votre retour dans la capitale…#saccageparis https://t.co/e0fZk7R3z4— FouDeParis (@foudeparis) April 3, 2022
#SaccageParis : en un an, le cri de colère des réseaux sociaux a chamboulé la politique parisienne
➡️ https://t.co/g15ywqIlP1 pic.twitter.com/BkjQ0YIhiZ— Le Parisien | Paris (@LeParisien_75) April 1, 2022
Y a-t-il eu vraiment une adhésion massive à ce concept ? Une analyse quantitative à partir de la base Politoscope montre que seuls 25 000 comptes sur plus de 5,2M référencés sur la période considérée on relayé cette campagne. Soit moins de 0.05%. Par ailleurs, sur ces 25k comptes, moins de 5500 ont fait plus de 3 tweets sur ce thème en 10 mois, mais les plus actifs en ont fait plus de 16 000 !
C’est donc un cœur de militants hyperactifs qui a attaqué la gestion de la Ville de Paris via ces campagnes d’influence (qui ont généré plus de 300 000 messages enregistrés dans le Politoscope). Ce cœur, proche du groupe “Changer Paris”, principale force d’opposition à la Maire de Paris au sein du conseil de Paris, se situe dans la sphère informationnelle Les Républicains tout en restant à sa périphérie (voir fin de la vidéo).
Limitation et biais potentiels : Le Politoscope ne recense pas tous les tweets de manière exhaustive et par ailleurs, il enregistre des tweets de comptes non parisiens, qui n’ont que faire de l’état de propreté de la ville de Paris. Mais même si on a sous évalué d’un ordre de grandeur la proportion de personnes qui prennent ce sujet à cœur, on peut estimer que moins de 1% des comptes Twitter parisiens se sont préoccupés de cette affaire. Malgré cela, grâce à une coordination et une activité de publication frénétique, le cœur des militants les plus actifs a réussi à faire apparaître le hashtag #saccageParis et ses dérivés en tendances Twitter à plusieurs reprises, donnant l’impression d’une adhésion massive aux idées qu’il véhiculait. Cela a été suffisant pour que la presse en parle et que cela impacte la campagne d’Anne Hidalgo et les débats sur la gestion de la Ville (cf. graphique médias ci-dessous).
Tout cela ne démontre évidemment pas qu’il n’y a aucun problème de propreté dans Paris, mais s’il y en a un , il est loin d’être la préoccupation n°1 des parisiens. Nous avons donc là un cas typique d’instrumentalisation réseaux sociaux des failles des algorithmes de recommandation pour amplifier une parole politique et la modifier la perception des citoyens. Il faut aussi compter avec le phénomène de chambre d’écho (cf. Toxic Data Ch. 4). 25 000 comptes représentent peu de chose à l’échelle de la population de Paris, mais si vous vous retrouvez au milieu de cette foule numérique, vous aurez vite l’impression qu’ils sont majoritaires.
Cette opération aura-t-elle été un succès ? Réponse aux prochaines municipales et peut-être en partie à la Présidentielle (même si les facteurs qui feront le score de la candidate PS seront de toutes façons multiples).
Les mentions médias. Nombre de mentions de Anne Hidalgo dans la base de tweets medias Politoscope (en rouge) et mentions de Anne Hidalgo dans le contexte de #saccageParis (boules antracites). Source : plateforme “Journalist” du Politoscope.
Quelles communautés politiques ont participé à cette campagne ? Nombre cumulatif du nombre de mentions pour “saccageparis”, “parissaccage”, “parisdechetterie”, “parispoubelle” ou “saccage paris” dans le Politoscope. On remarque de Les Républicains sont la tendance politique majoritaire sur ce thème, puis La République en Marche, les deux principaux partis ayant brigué la Ville de Paris lors des dernières municipales. [consulter la version interactive de ce graphe]